Pour Résidences croisées, la jeune artiste plasticienne R.Becca a choisi de se concentrer sur la réalité économique des personnes à l’aide sociale et les effets que celle-ci induit sur leur vie personnelle.
Pouvez-vous nous parler des bénéficiaires qui ont participé à votre projet ?
Ce sont un homme et une femme, tous deux pratiquant des disciplines artistiques, la musique pour l’un et la création de vêtements pour l’autre. Je les ai rencontrés individuellement dans un endroit qu’ils ont choisi et où ils se sentaient bien. Ils ont conforté ce que je pensais déjà car à vrai dire, cela fait un moment que je réfléchis à la situation des bénéficiaires de l’aide sociale avec l’envie d’exprimer cela par l’art.
Je ne peux pas le nier, nous avons beaucoup de chance de bénéficier de prestations sociales, mais en même temps, le montant des prestations financières ne nous permet pas d’avoir une vie sociale ordinaire, le manque de moyens financiers nous isole. Il m’est par exemple difficile de faire une sortie avec des amis car je ne peux pas m’offrir un repas au restaurant.
Pendant la pandémie, des personnes se sont retrouvées chez elles sans activité. C’est une situation qu’elles ont trouvée difficile, mais celle-ci est le quotidien des bénéficiaires. La ville qui était vide à ce moment-là m’a fascinée et j’ai été très productive à cette période. J’ai peint sur mes vitres afin de donner un peu de beauté aux passants.
Comment exprimez-vous votre point de vue sur l’aide sociale dans l’œuvre créée pour Résidences croisées ?
C’est un tableau en trois dimensions au centre duquel sera posée une figurine que j’ai créée en pâte fimo et qui représente les bénéficiaires. La couleur sombre qui est la sienne figure le mépris que la société ressent à son égard. Le panneau de fond du tableau est parsemé de taches de couleur ; celles-ci correspondent aux différentes prestations de l’aide sociale. L’ensemble est entouré par un cadre en bois sculpté que je dois encore dorer. Ce cadre, c’est tout ce que la personne à l’aide sociale ne peut pas s’offrir.
Que représente pour vous la pratique de l’art ?
L’art a pour moi clairement une visée thérapeutique. J’y exprime mes émotions. J’ai peu d’affinités avec le virtuel alors que le toucher est très important pour moi. Ce projet m’a permis de découvrir le travail du bois. Je n’avais jamais sculpté dans ce matériau et j’ai dû tout apprendre : quelle essence choisir, comment la travailler, etc. Ce fut une magnifique expérience que j’ai très envie de poursuivre.
Entretien réalisé le 21 avril 2023
Photos : Isabelle Meister
