Retour 14 août 2025

Entre terrain et foyer : le cricket comme repère

Saviez-vous que le cricket est l’un des sports les plus populaires en Afghanistan ? Introduit par les colons britanniques au début du 19e siècle, il est encore joué dans une très grande partie du sous-continent indien.

 

De gauche à droite : Mohamed (éducateur), Nigahola, Zahed, Naveed (résidents de Saint-James), Kevin (assistant socio-éducatif) et Jalil (résident de Saint-James)
De gauche à droite : Mohamed (éducateur), Nigahola, Zahed, Naveed (résidents d'un centre d'hébergement pour jeunes issus de l'asile), Kevin (assistant socio-éducatif) et Jalil (résident d'un centre d'hébergement pour jeunes issus de l'asile)


Bien plus qu’un sport
Aujourd’hui, pour les jeunes Afghans qui ont trouvé refuge en Suisse, le cricket représente bien plus qu’un sport : «C’est comme le football chez nous, c’est rassembleur !» sourit Mohamed, éducateur dans un centre d’hébergement collectif où résident plusieurs joueurs. Mais c’est aussi une manière de garder le lien avec leur pays, souligne le jeune Jalil : «Ça me rappelle des souvenirs d’enfance quand j’étais en Afghanistan.» Pour son compatriote Naveed, c’est surtout un exutoire et un hobby : «Je joue pour me vider la tête, voir mes copains et aussi m’en faire de nouveaux.»

Jalil, Naveed et leurs amis Zahed et Nigahola sont âgés de 19 ans. Arrivés en Suisse entre 2022 et 2023, ils sont tous les quatre originaires de la région de Jalalabad mais ne se sont connus qu’au foyer dans lequel ils vivent à Genève. S’ils sont désormais amis, ils évoluent dans trois équipes différentes : les Geneva Star pour Zahed, les Geneva CC pour Naveed et les Geneva Sri Lanka pour Nigahola et Jalil.

 

Zahed et Jalil


Organisation et rigueur
Intégrer une équipe de cricket, c’est un engagement sérieux qui requiert de l’organisation, de la discipline et de la rigueur. «Des centaines de jeunes venus de toute la Suisse se rassemblent le week-end pour pouvoir jouer ensemble. C’est très impressionnant ! Et leur organisation est ultra carrée : ils ont un groupe WhatsApp pour se coordonner, une caisse commune, prévoient le matériel et même le goûter.» s’exclame Mohamed, épaté. Avant d’ajouter en riant : «On doit les tirer du lit en semaine pour aller à l’école mais les week-ends de match, ils ne sont jamais en retard. Quand il y a cricket, ils sont au taquet dès 7h du matin !»

 

Les dents de Jalil gardent la trace d'une rencontre fortuite avec une balle de cricket.
Les dents de Jalil gardent la trace d'une rencontre fortuite avec une balle de cricket.


Lutte contre l’isolement
Pour Kevin, assistant socio-éducatif, la pratique de ce sport est un excellent outil de socialisation : «Beaucoup de jeunes sont isolés. Ils font des allers-retours entre l’école, la salle de sport et le foyer. Le cricket, c’est plus qu’une activité sportive. C’est un moyen de sortir le week-end et de se faire des amis. Dans ce sport, ce qui nous intéresse avant tout en tant que travailleurs sociaux, c’est vraiment l’aspect social : leur réseau s’élargit.» Un avis partagé par son collègue Mohamed : «L’un d’entre eux est très timide et a tendance à rester dans son coin. Mais grâce au cricket, il peut s’épanouir, s’exprimer sur le terrain et il s’est fait des amis.» La réalité parle d’elle-même. Lors de cet entretien, Jalil – qui maîtrise déjà très bien le français – fait office d'interprète pour un de ses camarades dont le niveau de langue n’est pas aussi élevé.

Anglais, français, pachto ou les trois ?
Le français, parlons-en justement. Tout le champ lexical du cricket est anglophone et les joueurs viennent majoritairement d’Afghanistan. «Ce n’est pas tout à fait juste» corrige Kevin : «C’est vrai qu’il y a beaucoup d’Afghans qui jouent au cricket mais il y a aussi plein de joueurs d’autres nationalités. Et pour ce qui est de la langue, on les encourage à parler en français le plus possible.» Mohamed complète : «Oui, c’est important même si on sait bien que c’est plus simple pour eux de communiquer en pachto.»

Respect et tolérance
Last but not least, le cricket est un sport très codifié qui comporte beaucoup de règles. Malgré cela, «les quatre joueurs font preuve d’un fair-play incroyable.» s’exclame Mohamed. Une impression confirmée par l’un des principaux intéressés : «Être sur un terrain m’apprend à gérer mes émotions. On joue en collectif et on est solidaires entre nous. Des fois, c’est chaud quand on joue mais on se respecte et on prend toujours le goûter ensemble.» Une valeur importante à leurs yeux sur le terrain comme en dehors : «Ils ne sont pas contents si un jeune Afghan fait une bêtise car ils ont tout à fait conscience des amalgames qui peuvent se faire dans l’esprit des gens.» conclut Mohamed.

Le 3 août, l'équipe de Naveed (Geneva CC) a affronté Berne au stade du Bout-du-monde. Le match s'est soldé par une victoire des Geneva CC pour la plus grande joie de Naveed et de ses coéquipiers. Retour en images ci-dessous grâce à la photographe Nora Teylouni.
 

 

La fine équipe
Joueur de dos - © Nora Teylouni
Naveed (le 2e depuis la gauche) et une partie de son équipe - © Nora Teylouni
Jambes des joueurs
Fair play
Les Geneva CC - © Nora Teylouni
Sur le terrain - © Nora Teylouni