"Le grand défi sera de maintenir l’élan de solidarité qui a traversé la population genevoise."
Pierre Philippe, directeur des Colis du Coeur
L’année 2020 a mis en lumière l’ampleur de la précarité à Genève. Au printemps, les images des personnes attendant durant des heures pour recevoir un colis alimentaire à la patinoire des Vernets ont fait le tour du monde.
Cette distribution, assurée à l’origine par l’association Caravane de la solidarité, est désormais gérée par les Colis du Cœur dans quatre lieux du canton : Palladium, Bouchet, Blavignac et Thônex. Les plus démunis peuvent s’y rendre de manière hebdomadaire pour chercher un sac de nourriture.
Aujourd’hui, près de 7’000 personnes viennent récupérer un colis chaque semaine. C’est deux fois plus que lors du premier semi-confinement. Et, comme nous l’explique Pierre Philippe, directeur des Colis du Cœur « la moitié de ces personnes ne bénéficient d’aucune autre aide ! »
Afin de les informer sur les aides existantes, décision a été prise de mettre en place dans chacun de ces lieux (hormis à Thônex) un Pôle social où sont présents : Caritas, le Centre social protestant (CSP), le service social de la commune du lieu de distribution, la Croix-Rouge genevoise, l’Entraide protestante (Eper), l’Association pour la promotion des droits humains (APDH) et notre institution.
Courant décembre, nous nous sommes rendus au Palladium. Ce seul lieu voit défiler quelque 1’300 familles chaque semaine. Ce sont ainsi environ 3’500 personnes qui sont aidées via cette distribution. L’organisation est bien rodée et une trentaine de bénévoles s’activent en permanence pour préparer et distribuer les sacs de nourriture. Les Colis du Cœur peuvent en effet compter sur l’appui de 400 bénévoles, la moitié se consacrant au Palladium.
Sur ce site, les queues ont disparu et l’espace a été rendu aussi chaleureux que possible. Pierre Philippe : « Il faut que les gens soient bien accueillis et se sentent à l’aise. On imagine même avoir un orchestre pendant les distributions. On a envie de redonner de l’espoir aux gens ».
Entretien avec Pierre Philippe et Cristina Rivera, collaboratrice de l’Hospice général présente au pôle social
Quel est le rôle de ce pôle d’information sociale ?
Pierre (Colis du Cœur) : On voulait donner l’opportunité aux gens de connaître leurs droits sociaux. Et, pour qu’ils aient accès à ces informations, il faut les mettre à disposition là où les gens se rendent. Ces lieux de distributions alimentaires sont des carrefours où convergent les personnes les plus précarisées du canton !
Cristina (Hospice général) : Pour mieux orienter les personnes car nous avons appris de la première vague que notre présence comme celle des associations sur le terrain était plus que jamais nécessaire.
Comment se passe la collaboration entre les Colis du Cœur et l’Hospice général ?
Pierre : Super bien ! Les collaborateurs de l’Hospice général – qu’ils soient sur le terrain ou dans la coordination – sont vraiment des personnes clés !
Cristina : Avant la crise du Covid-19, on côtoyait bien entendu déjà les acteurs du réseau social mais de plus loin. Aujourd’hui, on se mobilise tous pour être sur place. Les Colis du cœur ont impliqué notre institution à toutes les étapes du processus, qu’il s’agisse de la réflexion, de la logistique ou de la mise en œuvre, et il y a beaucoup plus de synergies entre nous.
Pourquoi ce pôle d’information n’est-il pas mis en place à Thônex ?
Pierre : Le site de Caran d’Ache est plus petit et pour le moment moins fréquenté que les autres. Il était dès lors moins pertinent d’y ouvrir un pôle social. Mais il s’agit d’une phase pilote et les choses peuvent évoluer.
Cristina : Je pense qu’à terme il serait bon d’avoir un pôle d’information sociale sur chacun des quatre sites.
Avez-vous rencontré des difficultés ?
Pierre : Oui. Le système social à Genève est très complexe. Il s’agit de mettre à disposition des gens une documentation simple et multilingue pour qu’ils soient mieux informés de leurs droits. On essaye aussi de recruter des bénévoles d’âge et d’horizons différents et maîtrisant les langues les plus parlées par nos bénéficiaires. A l’heure actuelle, nos équipes peuvent répondre en français, anglais, espagnol, arabe, tagalog et tigrigna. Mais on a plus de difficulté à trouver des bénévoles parlant le farsi ou le kurde.
Cristina : Il est difficile d’accorder beaucoup de temps et de respecter la confidentialité des bénéficiaires dans des espaces qui sont conçus comme des lieux de distribution. On s’efforce donc de faire une évaluation globale des situations et de réorienter les personnes vers les services compétents.
Quid de l’avenir ?
Pierre : Au printemps, les images des Vernets ont mis en évidence le problème de la précarité à Genève. Le grand public ne s’en rend pas forcément compte mais depuis la situation s’est fortement détériorée ; aujourd’hui, les personnes qui viennent chercher un sac de nourriture sont deux fois plus nombreuses qu’avant la crise sanitaire ! Les acteurs du terrain s’accordent pour dire que la situation ne s’améliorera en tout cas pas avant l’été prochain… Le grand défi sera de maintenir l’élan de solidarité qui a traversé la population genevoise. Un autre défi sera de conserver ou de trouver de nouveaux lieux de distribution.
Informations pratiques
Palladium (rue Coulouvrenière 6, 1204 Genève)
Distribution : mercredi, 13-19h et jeudi, 9-12h
Info sociale : mercredis 16 et 30 décembre 2020, 17-19h
Bouchet – Pie X (chemin du Coin-de-Terre 2, 1219 Vernier)
Distribution : jeudi, 16-19h
Info sociale : jeudis 17 décembre 2020, 7 et 14 janvier 2021, 16-19h
Colis du Cœur (rue Blavignac 16, 1227 Carouge)
Distribution : mardi, 13h30-20h
Info sociale : mardi 22 décembre 2020, 16-18h
Thônex – Caran d’Ache (chemin du Foron 19, 1226 Thônex)
Distribution : samedi, 10-13h
Pas de pôle d’information sociale
