Retour 31 mai 2021

Point Jeunes au cœur de la nuit : Jean- Marc Richard et sa Ligne de Cœur


Ils étaient là, hier soir, attentifs aux témoignages des auditeurs et prêts à répondre aux questions de Jean-Marc Richard : Alan et Olivier, leurs éducateurs Fanny et Rémy, ainsi que Stéphane et Vincent de Point Jeunes. Initiative bienvenue de Vincent que de proposer à la Ligne de cœur d’investir leurs locaux pour une émission centrée sur la question « Crise du Coronavirus : comment vont les jeunes ? ».

Quelques minutes avant l’émission, Jean-Marc s’est lui aussi prêté au jeu des questions-réponses.

Pourquoi avoir répondu oui à l’invitation de l’Hospice général ?
Il m’a semblé intéressant de parler « jeunes », aussi bien des jeunes eux-mêmes que de ceux qui les encadrent. Il est important d’avoir la vision de tout le monde, et non pas de se limiter aux discours de spécialistes. Les gens de terrain, voilà ce qui compte, c’est-à-dire ceux qui vivent leur jeunesse et ceux qui les accompagnent, les guident. Premier président d’un parlement de jeunes en Suisse dans les années 80, la thématique de la jeunesse me passionne assurément.

Etiez-vous surpris d’apprendre qu’il existe un secteur qui s’occupe des jeunes ?
J’avais entendu parler de Point jeunes, mais je ne savais pas à quel point ce service est complet et ouvert. Vaudois, j’avais entendu parler de l’Hospice général quand je travaillais à la Chaîne du Bonheur. Aujourd’hui, je découvre des choses qui me touchent beaucoup, à savoir que les jeunes sont au centre des préoccupations et de la structure, alors qu’ailleurs ils sont souvent mis en marge.

Récemment, des jeunes m’expliquaient ne pas ressentir le droit de s’exprimer, parce qu’on leur demande rarement ce qu’ils pensent. J’ai été interpelée par le fait qu’ils se sentent aussi peu considérés. Qu’en pensez-vous ?
L’adulte a peut-être tendance à ramener sa propre expérience de jeune pour expliquer que faire ou ne pas faire, alors que l’attitude la plus juste à avoir avec des jeunes est, il me semble, de les écouter et aussi de leur donner un espace pour s’exprimer, pour créer. Il faut quelque chose de plus que simplement s’occuper des jeunes, les soutenir financièrement. Le jeune doit être au centre, tel qu’il est, avec ses vécus, ses espoirs, ses échecs, ses réussites. Cela prend du temps et cela me semble être intégré dans le concept de Point jeunes.

Vous faites donc une différence entre s’occuper et accompagner
Oui, s’occuper signifie souvent faire à la place de. Si on accompagne un jeune, on le laisse prendre la direction qui lui paraît être la bonne et peut-être que, par moment, on recentre sa réflexion autour du chemin qu’il veut emprunter. Pour moi, ce sont deux choses totalement différentes. Mais il y a parfois des gens qui sont dans un tel état de délabrement social, psychique ou physique, qu’un moment donné on doit s’occuper d’eux, les aider à retrouver leur autonomie. Ce qui m’intéresse chez Point jeunes, c’est la réflexion autour de l’autonomie des jeunes. 

Génération sacrifiée ou jeunes super résilients, comment voyez-vous les choses aujourd’hui  ?
Je pense que ce n’est pas une génération sacrifiée. Il y a eu de véritables générations sacrifiées, comme celle du SIDA. Cette génération-ci pourrait être sacrifiée si on ne sait pas rebondir et lui donner des espaces, si on ne prend pas conscience que des jeunes qui ont rencontré des difficultés sont peut-être aussi des jeunes qui avaient des problèmes cachés qui se sont, de fait de circonstances exceptionnelles, révélés au grand jour. Il s’agit peut-être plus d’une opportunité qui se présente que d’une génération sacrifiée, peut-être sauront-ils mieux goûter à cette liberté dont ils ont été privés pendant un certain temps. 
Mais quand on commence à perdre un peu de cette liberté pour des raisons personnelles, psychiques, physiques, familiales ou économiques, il devient un peu question de survie. Or, il ne faut pas que certains jeunes s’installent dans la survivance.  Il faut au contraire qu’avec l’aide de structures, ils voient comment exercer leurs compétences et les valoriser. 

Quelles sont les paroles de jeunes qui vous ont touché ?
Que certains jeunes aient l’impression que l’on veut les psychiatriser. Beaucoup ne veulent pas se retrouver avec des médicaments. Cela m’a beaucoup touché pendant cette période. Ce dont ils ont envie, c’est qu’on les aide à surmonter cela, qu’on leur fasse confiance pour qu’ils puissent se faire confiance. J’ai aussi été très touché par le nombre de jeunes qui considèrent que la priorité n’est pas juste de sortir à nouveau, mais d’avoir une réflexion sur le monde que l’on désire avoir demain. Cette priorité, c’est essentiellement dans la bouche de cette génération que je l’ai entendue, alors que pour beaucoup de monde l’envie consiste juste à revenir au monde d’avant. 

Pour revenir à vous, cette inclinaison à être là pour écouter, pour mettre en valeur ceux que l’on n’entend pas, pour leur donner une plateforme d’expression, d’où cela vous vient-il ?
J’ai toujours fait cela. Tout jeune déjà, quand j’étais engagé dans les mouvements de l’église protestante. Puis il y a eu Lôzane bouge, le Parlement des jeunes. Il s’agissait toujours de faire en sorte de porter la parole, mais pour la porter il faut l’avoir écoutée. J’ai appris à beaucoup écouter. Maintenant j’aide à transmettre, à vulgariser, à porter la parole d’autrui. Avec la Ligne de Cœur, c’est une étape de plus : j’aide les gens à expliquer ce qu’ils vivent et ressentent, à expliquer comment ils voient leur passé, leur présent et leur futur. Pour moi, c’est une étape d’aboutissement. On donne la parole à ceux qui sont directement concernés plutôt que de la leur prendre. Ceci contrairement à ce qui est beaucoup fait par les médias.

Une toute dernière question : comment faites-vous pour, soir après soir, réagir sereinement aux témoignages parfois douloureux auxquels vous donnez un espace ?
J’ai neuf ans d’émission, ça m’a permis d’apprendre à avoir parfois le recul nécessaire. Et puis, être derrière le micro c’est une forme de protection. Mais quand les parcours personnels sont trop préoccupants, je mets les gens en contact avec notre plateforme sociale, un groupement d’associations qui peut prendre le relais partout en Suisse romande.


Voilà. Quelques minutes plus tard, c’était au tour d’Alan et d’Olivier de donner leur avis, de partager leur ressenti sur la question de la solitude, faisant suite au témoignage très émouvant d’une jeune auditrice au surnom évocateur de Nevermore. Ils ont également parlé avec pertinence de leurs objectifs professionnels, de leur volonté de retrouver confiance et fierté. Une soirée édifiante. Bravo les jeunes ! … et l’équipe !

Et merci à Jean-Marc Richard d’avoir planté son micro au cœur de Point jeunes !

La Ligne de Cœur, une émission RTS – la Première à écouter des lundis aux vendredis de 22h à 24h. 

ligne de coeur
ligne de coeur
ligne de coeur
ligne de coeur
ligne de coeur
ligne de coeur
ligne de coeur